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Libérer la contestation

En sortie de confinement, plusieurs manifestant·e·s se font verbaliser lors d’une sortie revendicative avec La Chorale Révolutionnaire. Treize vont contester leur amende. Voici l’un de leurs récits.

Mon 23 mai 2020…

L’AG interpro-interluttes 57 a organisé le 23 mai 2020 sur Metz une opération revendicative au sortir de la période de confinement. La Chorale Révolutionnaire prend une part importante dans cet événement en forme de répétition en trois groupes de moins de dix choristes répartis dans les Jardins de l’Esplanade. Des panneaux revendicatifs sont disposés alentours. Deux autres groupes, toujours de moins de dix personnes, sont, quant à eux, rue Serpenoise et rue des Clercs. J’arrive à l’angle de cette dernière et de la place Saint-Jacques à 14h07, à 14h15 se présentent trois policiers à moto qui nous demandent de nous disperser sans pouvoir ou vouloir nous en indiquer la raison. Sans plus de motif de leur part, nous refusons leur injonction et il nous est rétorqué que dans ces conditions nous serions verbalisés par leurs collègues qui ne manqueraient pas d’arriver dans les cinq minutes. Le fourgon promis se gare à 14h20 et en descendent des fonctionnaires qui se mettent en devoir de contrôler et relever l’identité des membres du groupe. Après une nouvelle tentative d’obtention des motifs de leur intervention et un rappel de la constitutionnalité du droit de manifester, je présente une pièce d’identité au fonctionnaire. Fin des revendications à 14h35, alors qu’un seul panneau a pu être brandi. Le recueil des actes administratifs révèle qu’un arrêté préfectoral d’interdiction de manifester a été pris la veille, sa lecture vaut la peine tant il est inique. Treize personnes à qui a été dressée une contravention à 135€ pour cette action ont contesté l’infraction mais c’est bien l’arrêté préfectoral qui pose un problème. Ils défendront donc, devant le tribunal de police et avec le concours de leurs avocats, la liberté fondamentale de manifester.

Merci à la section de Metz de la Ligue des Droits de l’Homme pour son soutien à la contestation avec notamment la gestion d’une cagnotte en ligne destinée aux honoraires des avocats. La Chorale Révolutionnaire propose des tee-shirts dont le produit de la vente financera également notre défense.

…replacé dans son contexte messin…

Cet épisode est à replacer dans un contexte plus large de répression des luttes et des militants, même à Metz. La manifestation du 29 décembre 2018 « gérée » à coup de LBD et lacrymogènes à profusion s’est soldée par plusieurs gardes à vue (GàV) et des condamnations à des peines de prison toutefois assorties d’un sursis simple. La manifestation messine du 24 janvier 2020 contre la retraite universelle par points se termine par 24h de GàV pour plusieurs syndicalistes qui seront convoqués devant le Tribunal Judiciaire en juin et septembre. La manifestation du 6 juin contre le racisme et les violences policières se fini en GàV jusqu’à 48h pour 16 militants dont certains seront jugé en comparution immédiate le lundi 8 juin. Et ce 8 juin, lors du rassemblement devant le tribunal organisé en soutien à ces militants persécutés, plusieurs personnes seront verbalisées au motif non avéré d’un rassemblement interdit sur la voie publique dans un circonscription territoriale où l’état d’urgence sanitaire est déclaré et cela sans qu’à aucun moment leur identité n’ait été relevée. Il faut également ajouter à ces attaques les manœuvres d’intimidation de la police, par des convocations répétées au commissariat pour y être entendu sur tout et sur rien, en s’adressant aux militants par leur patronyme etc…

…et dans la macronie…

Le déni de la contestation et sa répression ne sont pas nouveaux mais ils ont pris une amplitude inédite depuis l’épisode Valls puis évidement sous Macron. Le néolibéralisme qui se répand depuis 1970 et surtout 1983 se veut désormais une vérité, LA vérité et dans ce dogme quasi religieux. L’opposant est un hérétique et mérite donc la violence ‘légitime’ de l’État. L’état protecteur issu principalement du Conseil National de la Résistance est progressivement détruit et remplacé par l’état protecteur du capital. Néanmoins, la revendication sociale reste aux yeux de
cette oligarchie un risque sur deux plans. Le premier serait que des élus opportunistes prennent en compte les aspirations de la population par calcul électoraliste ; le second, horreur absolue, que les citoyens les renversent à l’occasion d’élection présidentielle et législative. Ceci constaté, on ne peut que comprendre que le néolibéralisme ne peut avoir confiance dans le peuple et cherche donc à minimiser drastiquement un fondement de notre République déjà moribond: la Démocratie.

…mais sans tomber dans le piège.

Le combat, le but ultime qui doit tous nous animer, est bien l’abolition du capitalisme. Le néolibéralisme radical et Macron, son champion, doivent disparaître. La liberté de manifester est un droit inaliénable et doit être défendu bec et ongles, mais ne demeure qu’une partie de ce qu’il nous faut sauver. Il ne faut à aucun prix se laisser enfermer dans une lutte dont des ONG se chargent déjà. Ce pourrait même être l’objectif de la poli-justice dans ces épisodes d’utilisation du système judiciaire pour combattre les opposants (lawfare).